Un abrégé de la vie de Krishnamurti (1895-1986)
Jiddu Krishnamurti est né le 11 mai 1895 à Madanapalle, une petite ville d’Inde du Sud.
Le Docteur Annie Besant, alors présidente de la Société Théosophique, proclamant qu’elle-même et quelques autres reconnaissaient en lui l’Instructeur du Monde dont les théosophes avaient prédit la venue, l’adopta encore enfant, ainsi que son frère. Pour préparer le monde à cet avènement, une institution mondiale - l’Ordre de l’Étoile - fut créée, et le jeune Krishnamurti mis à sa tête. En 1929 cependant, Krishnamurti renonça au rôle qui lui était imposé, prononça la dissolution de l’Ordre aux innombrables disciples, et rendit l’argent et les biens qui avaient été donnés à l’œuvre. Ensuite, et durant près de soixante ans jusqu’à sa mort le 17 février 1986, il voyagea à travers le monde, expliquant, à des publics nombreux comme à de petits groupes, l’urgence d’une transformation radicale de l’humanité. Krishnamurti est globalement considéré comme l’un des plus grands penseurs et maîtres spirituels de tous les temps. Il ne proposait aucune philosophie ou religion, mais abordait les réalités de notre existence quotidienne, les problèmes de la vie dans une société moderne de violence et de corruption, la quête individuelle de sécurité et de bonheur, et la nécessité pour l’humanité de se libérer des fardeaux intimes de la peur, de la colère, des blessures et de la souffrance. Il expliquait avec minutie les subtils mécanismes de l’esprit humain, et insistait sur la nécessité d’introduire une qualité profondément méditative et spirituelle dans notre vie de tous les jours. Krishnamurti n’appartenait à aucune organisation, aucune secte, à aucun pays, ne s’inscrivait dans aucun courant de pensée, politique ou idéologique. Il affirmait tout au contraire que ce sont là les véritables facteurs qui divisent des hommes et entraînent les conflits et les guerres. Il rappelait sans cesse à ses auditeurs que nous sommes avant tout des êtres humains et non des hindous, des musulmans ou des chrétiens, que nous sommes l’humanité et ne sommes pas différents les uns des autres. Il recommandait de fouler cette terre avec respect, sans nous détruire ni détruire l’environnement. Il communiquait à ses auditeurs un profond respect pour la nature. Ses enseignements non seulement transcendent tous les systèmes de croyance créés par l’homme, tous les nationalismes et tous les sectarismes, mais encore donnent une nouvelle signification et une nouvelle direction à la quête de vérité de l’humanité. Son enseignement, chargé de sens dans ce monde actuel, est en même temps intemporel et universel. Krishnamurti ne parlait pas en gourou mais en ami. Ses causeries et dialogues ne reposaient pas sur une base de savoir et de tradition mais sur ses propres perceptions de l’esprit humain et sa vision du sacré, et donc son expression était toujours directe et nouvelle, alors même que la substance de son message restait inchangée au cours des ans. Quand il s’adressait à un public nombreux, les gens avaient la sensation que Krishnamurti leur parlait personnellement et traitait de leur problème particulier. En entretien privé, il était un maître plein de compassion, écoutant avec attention l’homme ou la femme qui venait à lui dans l’épreuve, les encourageant à trouver eux-mêmes leur guérison dans la compréhension. Des religieux découvrirent que ses paroles jetaient une lumière nouvelle sur des concepts traditionnels. Krishnamurti releva le défi d’hommes de science contemporains et de psychologues et, pas à pas, pénétra avec eux dans leurs théories pour en discuter, et les aida parfois à en discerner les limites. Krishnamurti a laissé derrière lui un vaste corpus littéraire sous forme de causeries, d’écrits, de discussions avec professeurs et élèves, avec des hommes de science et des religieux, de conversations privées, d’interviews radio et télévision, et de lettres. Une grande partie a été publiée, sous forme de livres ou d’enregistrements audio et vidéo. |
Jiddu Krishnamurti - La Dissolution de l'Ordre de l’Étoile d'Orient
Note : L'intervention de Frère K - 17 mars 2012 est un excellent complément à cet article.
Conférence de Jiddu Krishnamurti (3 août 1929)
La Dissolution de l'Ordre de l'Etoile
L'Ordre de l'Etoile de l'Orient a été fondé en 1911 dans le but d'annoncer la venue de l'Instructeur du Monde :
J. Krishnamurti fut placé à sa tête.
Vers la fin des années 20, l'orientation de ses conférences et de ses discussions privées avait changé. Progressivement, il rejetait ou contredisait de plus en plus les concepts et la terminologie de la Théosophie, il se mettait en désaccord avec les chefs de la Théosophie et parlait moins de la venue de l'Instructeur du Monde tant attendu. Ce changement d'orientation qui reflétait des transformations fondamentales chez Krishnamurti en tant que personne incluait le désenchantement envers le Projet de l'Instructeur du Monde. Cela le mena à réévaluer complètement son association à ce Projet, à la Société Théosophique et à la Théosophie en général. Le 3 août 1929, le jour de l'ouverture du Camp Annuel à Ommen, aux Pays-Bas, Krishnamurti prononça la dissolution de l'Ordre devant la radio et 3000 membres. L'Ordre comportait 60 000 membres à cette époque. Ci-dessous, le texte entier du discours qu'il donna en cette occasion. Ce qu'il dit alors, est tout aussi valable aujourd'hui.
Ce matin, nous allons discuter la dissolution de l'Ordre de l'Étoile. Beaucoup vont être contents, d'autres en seront affligés. Mais il ne s'agit pas ici de joie ni de tristesse, puisque cette dissolution est inévitable, comme je vais vous le démontrer.
Peut-être vous souvenez-vous de l'histoire de la conversation que la diable a eue avec un ami, quand ils ont vu devant eux un homme s'arrêter, ramasser quelque chose par terre, le regarder puis le mettre dans sa poche.
Son ami dit au diable : " Qu'est-ce que cet homme a ramassé ?
– Il a trouvé un morceau de Vérité, lui répondit le diable.
– Alors ce n'est pas bon pour tes affaires.
– Mais si, je vais le laisser l'organiser. "
La Vérité est un pays sans chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu'elle soit : aucune religion, aucune secte. Tel est mon point de vue : et je le maintiens d'une façon absolue et inconditionnelle. La Vérité, étant illimitée, inconditionnée, inapprochable par quelque sentier que ce soit, ne peut pas être organisée. On ne devrait donc pas créer d'organisations qui incitent les hommes à suivre un chemin particulier. Si vous comprenez bien cela dès le début, vous verrez à quel point il est impossible d'organiser une croyance. Une croyance est une question purement individuelle, et vous ne pouvez ni ne devez l'organiser. Si on l'organise, elle devient une religion, une secte, une chose cristallisée, morte, que l'on impose à d'autres. C'est ce que tout le monde essaie de faire. La Vérité est ainsi rétrécie et transformée en un jouet pour les faibles, pour ceux dont le mécontentement n'est que momentané. La Vérité ne peut pas être rabaissée au niveau de l'individu, mais c'est bien plutôt l'individu qui doit faire l'effort de s'élever jusqu'à elle. On ne peut pas amener dans la vallée le sommet de la montagne. Si on veut l'atteindre, il faut prendre par la vallée, grimper les pentes raides, sans craindre le danger des précipices. Il faut monter vers la Vérité : elle ne peut pas être abaissée vers vous, organisée pour vous. Si c'est par son organisation qu'une idée vous a intéressé, cela prouve que l'intérêt n'était ici qu'extérieur : l'intérêt qui ne naît pas de l'amour de la Vérité pour elle-même est sans valeur. L'organisation devient un cadre pour la commodité des membres qui s'y insèrent. Ils ne s'efforcent plus vers la Vérité, vers le sommet de la montagne, mais ils se creusent une niche confortable dans laquelle ils se placent, ou se font placer, pensant qu'ainsi l'organisation les conduira à la Vérité.
Voilà la première raison, pour laquelle, à mon point de vue, l'Ordre de l'Étoile doit être dissous. Malgré quoi, vous allez probablement fonder quelque autre ordre, vous continuerez à appartenir à d'autres organisations qui cherchent la Vérité. En ce qui me concerne, je ne veux appartenir à aucune organisation. Il est bien entendu que je ne parle pas ici des organisations matérielles, mécaniques, qui sont utiles, et même indispensables comme par exemple, si je prends un train pour me mener à Londres, ou si j'emploie la poste ou le télégraphe. Toutes ces choses ne sont que des machines, elles n'ont absolument rien à voir avec la spiritualité. Je le répète, aucune organisation ne peut conduire les hommes à la vie spirituelle.
Si l'on crée une organisation dans ce but, elle devient très vite une béquille, une entrave qui mutile l'individu et l'empêche de croître, d'établir sa personnalité unique, laquelle réside dans la découverte, pour lui-même, de cette Vérité absolue, inconditionnée. Telle est la seconde raison pour laquelle j'ai décidé, puisque je me trouve être le chef de l'Ordre, de le dissoudre. Personne n'a pesé sur ma décision. Elle n'a d'ailleurs rien de bien extraordinaire puisque je ne veux pas de disciples. Dès le moment que l'on suit quelqu'un, on cesse de suivre la Vérité.
Je ne me préoccupe pas de savoir le cas que vous faites de ce que je dis. Je veux faire une certaine chose dans le monde, et je la ferai avec une invariable fixité de concentration. Je ne veux m'occuper que d'une seule chose essentielle : libérer l'homme. Le libérer de toutes les cages, de toutes les craintes, et non pas au contraire fonder une religion, une secte, ni proposer de nouvelles théories philosophiques.
Vous allez naturellement me demander pourquoi je parcours le monde en parlant. Je vais vous le dire.
Ce n'est pas pour être suivi, ce n'est point par le désir de me composer un groupe spécial de disciples choisis. Les hommes aiment tellement à se distinguer de leurs semblables, fût-ce par les différences les plus ridicules, les plus mesquines, les plus absurdes ! Cette absurdité, je ne veux pas l'encourager. Je n'ai pas de disciples, je n'ai pas d'apôtres : ni sur terre, ni dans le domaine de la spiritualité. Ce n'est pas non plus le désir de l'argent ni de la vie confortable qui me mène. Si je voulais avoir une vie confortable, je n'irais pas dans des camps, ni dans des pays humides. Je parle en toute franchise, car je désire que ces choses soient établies clairement une fois pour toutes. Je ne veux pas continuer, d'année en année, des discussions enfantines.
Un journaliste qui m'interviewait trouvait extraordinaire de dissoudre une organisation composée de milliers et de milliers de membres. Il disait: " Que ferez-vous ensuite? Comment vivrez-vous? Vous n'aurez plus personne pour vous suivre, on ne vous écoutera plus. " Eh bien ! moi je vous dis : " S'il n'y a que cinq personnes qui veuillent entendre, qui veuillent vivre, dont les visages soient tournés vers l'éternité, ce sera suffisant " À quoi cela sert-il d'avoir des milliers de personnes qui ne comprennent pas, qui, définitivement embaumées dans leurs préjugés, ne veulent pas la chose neuve, originale, mais la veulent traduite, ramenée à la mesure de leur individualité stérile et stagnante ? Je vous parle avec une certaine violence, mais je vous prie de bien comprendre que ce n'est pas par manque de compassion. Si vous allez consulter un chirurgien, n'est-ce pas bon de sa part de vous opérer, même s'il doit vous faire souffrir ? C'est ainsi que, si je vous parle sans détours, ce n'est point par manque d'amour, au contraire.
Comme je vous l'ai déjà dit, je n'ai qu'un but : rendre l'homme libre, l'inciter à la liberté, l'aider à s'affranchir de toutes les limitations, car cela seulement lui donnera le bonheur éternel, la réalisation inconditionnée du soi.
C'est précisément parce que je suis libre, inconditionné, intégral, parce que je suis la Vérité : non point partielle, ni relative, mais entière, la Vérité qui est éternelle, c'est pour cela que je désire que ceux qui cherchent à me comprendre soient libres, et non pas qu'ils me suivent, non pas qu'ils fassent de moi une cage qui deviendrait une religion, une secte. Ils devraient plutôt s'affranchir de toutes les craintes : de la crainte des religions, de la crainte du salut, de la crainte de la spiritualité, de la crainte de l'amour, de la crainte de la mort, de la crainte même de la vie. Comme un artiste qui peint un tableau parce que son art est à la fois sa joie, son expression, sa gloire, son épanouissement, c'est ainsi que j'agis, et non pas pour obtenir quoi que ce soit de qui que ce soit.
Vous êtes habitués à l'autorité, ou à l'atmosphère de l'autorité : vous attendez d'elle qu'elle vous fasse accéder à la vie spirituelle. Vous croyez, vous espérez, qu'un autre, par des pouvoirs extraordinaires – un miracle – vous transportera dans la région de la liberté éternelle, qui est le bonheur. Toute votre conception de la vie est basée sur cette croyance. Voici trois ans que vous m'écoutez sans que, à part quelques exceptions, aucun changement se soit produit en vous. Analysez bien ce que je dis, avec un esprit critique, afin de comprendre pleinement, profondément. Lorsque vous demandez à une autorité de vous mener à la vie spirituelle, vous êtes automatiquement obligés de construire une organisation autour de cette autorité. Et par le fait même de cette organisation, vous voilà prisonniers comme dans une cage.
Si je parle avec cette franchise, pensez bien que je ne le fais point par dureté, ni par un excès d'ardeur dans la poursuite de mon but, mais parce que je veux que vous me compreniez, car enfin c'est pour cela que vous êtes ici, et nous perdrions notre temps si je n'expliquais pas clairement, d'une façon décisive, mon point de vue.
Pendant dix-huit ans, vous avez tout préparé pour cet événement: la venue de l'Instructeur du Monde. Pendant dix-huit ans, vous vous êtes organisés, vous avez attendu quelqu'un qui vienne apporter une nouvelle joie à votre esprit et à votre cœur, encourager et transformer votre existence, vous donner un autre entendement, vous élever à un plan supérieur de la vie, vous rendre libres enfin – et maintenant, voyez ce qui se passe! Considérez, raisonnez en vous-mêmes, cherchez si cette croyance vous a rendus différents – et je ne vous parle pas de cette différence, toute superficielle, qui consiste à porter des insignes : détail tout à fait mesquin et absurde.
Cette croyance a-t-elle balayé en vous toutes les choses non essentielles de la vie? Il n'y a ici qu'un critérium : de quelle façon êtes-vous plus libres, plus grands, plus dangereux à l'égard de toutes les sociétés basées sur ce qui est faux et non essentiel ? En quoi les membres de cette organisation de l'Étoile se sont-ils transformés?
Comme je l'ai dit, vous avez tout préparé pour moi pendant dix-huit ans. Il m'est égal que vous croyiez que je sois ou non l'Instructeur du Monde. Cela est sans aucune importance. Comme membres de l'Ordre de l'Étoile, vous avez donné votre sympathie et votre énergie parce que vous admettiez que Krishnamurti était l'Instructeur du Monde – partiellement ou totalement : totalement pour ceux qui cherchent en toute bonne foi, et partiellement pour ceux que satisfont leurs propres demi-vérités.
Donc, vous avez tout préparé pendant dix-huit ans : voyez cependant combien de difficultés se trouvent encore sur la voie de votre compréhension, combien de complications, combien de choses mesquines. Vos préjuges, vos craintes, vos autorités, vos églises, anciennes et nouvelles, toutes ces choses, je le maintiens, sont des obstacles à la compréhension. Je ne peux pas vous parler plus clairement. Je ne veux pas que vous acceptiez mon opinion, mais que vous me compreniez.
Cette compréhension est nécessaire parce que votre croyance, au lieu de vous transformer, vous a compliqués, et que vous n'êtes pas désireux d'envisager les choses telles qu'elles sont. Vous voulez avoir des dieux à vous: de nouveaux dieux au lieu des anciens, de nouvelles religions au lieu des anciennes, de nouvelles formes au lieu des anciennes – tous également sans valeur, tous des barrières, des limitations, des béquilles. Vous en êtes là. Au lieu des anciennes différences spirituelles, vous en avez de nouvelles, de nouvelles formes d'adoration, au lieu des anciennes. Vous dépendez tous de quelqu'un pour votre vie spirituelle, de quelqu'un d'autre pour votre bonheur, et bien que vous ayez tout préparé pour moi pendant dix-huit ans, lorsque je viens vous dire qu'il faut rejeter tout cela et chercher en vous-mêmes l'illumination, la gloire, la purification, l'incorruptibilité du soi, pas un de vous n'accepte de le faire. Ou du moins très peu, très peu d'entre vous.
Dans ces conditions, quel besoin d'organisation?
Que ferais-je d'une suite de gens insincères, hypocrites, moi l'incorporation de la Vérité ? Encore une fois, je ne veux rien dire de dur ou de peu charitable, mais nous en sommes à un point où il faut regarder les choses en face. J'ai dit, l'année dernière, que je n'acceptais aucun compromis. Bien peu alors m'ont compris. Cette année, je ne laisse subsister aucun doute. Je ne sais pas combien de milliers de personnes à travers le monde – des membres de l'Ordre – ont tout préparé pour moi pendant dix huit ans, et maintenant ils ne veulent pas écouter sans réserves ce que je dis.
Alors, à quoi bon une organisation?
Je le répète, mon dessein est de faire des hommes inconditionnellement libres, car je maintiens que la vie spirituelle consiste uniquement dans l'incorruptibilité du soi, qui est éternel; qu'elle est l'harmonie entre la raison et l'amour. Cela, c'est la vérité absolue, inconditionnée, la Vérité qui est la vie elle-même. Je veux donc délivrer l'homme, et qu'il se réjouisse comme un oiseau dans le ciel clair, sans fardeau, indépendant, extatique au milieu de cette liberté. Et moi, pour qui vous avez tout préparé pendant ces dix-huit ans, je vous dis qu'il faut vous affranchir de toutes ces choses, de vos complications, de vos empêtrements.
Et pour cela, vous n'avez nul besoin d'une organisation basée sur une croyance d'ordre spirituel. À quoi bon une organisation pour cinq ou dix personnes dans le monde, pour cinq ou dix personnes qui comprennent, qui luttent, qui ont rejeté toutes les mesquineries ? Et quant aux faibles, aucune organisation ne peut les aider à trouver la Vérité, il faut qu'ils la trouvent en eux : elle n'est ni loin ni près, elle est éternellement là.
Encore une fois, aucune organisation ne peut nous rendre libres. Rien, ni personne, du dehors, n'en est capable : vous n'y parviendrez ni par un culte officiel, ni par l'immolation de vous-mêmes pour une cause quelconque, ni par l'accomplissement d'aucune œuvre. Vous employez une machine à écrire pour votre correspondance, mais il ne vous vient pas à l'esprit de la mettre sur un autel pour l'adorer. Eh bien, c'est cela que vous faites lorsqu'une organisation devient votre principal intérêt. Combien de membres contient votre ordre?" Voilà la première question que me posent les reporters.
Combien de personnes vous suivent ? Par leur nombre, nous jugerons si ce que vous dites est vrai ou faux. " Je ne sais pas combien ils sont Je ne m'occupe pas de cela. Comme je l'ai dit, s'il y avait un seul homme délivré, ce serait assez.
Vous gardez l'idée que seules certaines personnes détiennent la clef du royaume du bonheur. Mais personne ne la détient. Personne n'en a l'autorité. Cette clef se trouve dans votre propre moi, et c'est seulement dans le développement, dans la purification et dans l'incorruptibilité de ce moi, que réside le royaume de l'éternité. Ainsi vous verrez combien est absurde tout cet édifice que vous avez construit en cherchant une aide extérieure, faisant ainsi dépendre des autres ce réconfort, ce bonheur, et cette force que vous ne pouvez trouver qu'en vous-mêmes.
Donc à quoi bon une organisation ?
Vous êtes habitués à ce que l'on vous dise combien vous êtes avancés, quel est votre degré spirituel. Que c'est puéril ! Sinon vous, qui donc peut vous dire si vous êtes beau ou laid intérieurement ? Si vous êtes incorruptible? Allons ! Cela n'est pas sérieux.
À quoi bon une organisation?
Mais ceux qui vraiment désirent comprendre, qui s'efforcent de trouver ce qui est éternel, sans commencement ni fin, ceux-là marcheront ensemble avec une plus grande ardeur, une plus grande intensité, et seront un danger pour tout ce qui n'est pas essentiel, pour les irréalités, pour les ombres. Et ils se concentreront Ils deviendront la flamme, parce qu'ils auront compris.
C'est ce corps qu'il nous faut créer, et tel est mon dessein. À cause de cette vraie compréhension, il y aura une vraie amitié. À cause de cette amitié – que vous ne semblez pas connaître – il y aura une vraie coopération de la part de chacun. Et cela, non pas à cause d'une autorité, ni à cause d'un salut, ni à cause d'une immolation pour un idéal, mais parce que vous aurez vraiment compris, et que, par conséquent, vous serez capables de vivre dans l'éternel. C'est là une plus grande chose que tous les plaisirs, que tous les sacrifices.
Voilà donc quelques-unes des raisons qui m'ont fait prendre cette décision, après deux années d'un examen attentif Ce n'est pas à la suite d'une impulsion momentanée. Je n'ai été persuadé par personne – je ne me laisse pas persuader en de telles circonstances. Pendant deux ans, je n'ai pensé qu'à cela, avec soin, avec patience, et j'ai décidé de dissoudre l'Ordre, puisque je me trouve en être le chef. Vous pouvez former de nouvelles organisations et attendre quelqu'un d'autre. Je ne m'en occuperai pas, je ne veux pas créer de nouvelles cages, ni de nouvelles décorations pour ces cages. Mon seul souci est de délivrer les hommes, de les rendre libres, libres d'une façon inconditionnelle, absolue.
J. Krishnamurti fut placé à sa tête.
Vers la fin des années 20, l'orientation de ses conférences et de ses discussions privées avait changé. Progressivement, il rejetait ou contredisait de plus en plus les concepts et la terminologie de la Théosophie, il se mettait en désaccord avec les chefs de la Théosophie et parlait moins de la venue de l'Instructeur du Monde tant attendu. Ce changement d'orientation qui reflétait des transformations fondamentales chez Krishnamurti en tant que personne incluait le désenchantement envers le Projet de l'Instructeur du Monde. Cela le mena à réévaluer complètement son association à ce Projet, à la Société Théosophique et à la Théosophie en général. Le 3 août 1929, le jour de l'ouverture du Camp Annuel à Ommen, aux Pays-Bas, Krishnamurti prononça la dissolution de l'Ordre devant la radio et 3000 membres. L'Ordre comportait 60 000 membres à cette époque. Ci-dessous, le texte entier du discours qu'il donna en cette occasion. Ce qu'il dit alors, est tout aussi valable aujourd'hui.
Ce matin, nous allons discuter la dissolution de l'Ordre de l'Étoile. Beaucoup vont être contents, d'autres en seront affligés. Mais il ne s'agit pas ici de joie ni de tristesse, puisque cette dissolution est inévitable, comme je vais vous le démontrer.
Peut-être vous souvenez-vous de l'histoire de la conversation que la diable a eue avec un ami, quand ils ont vu devant eux un homme s'arrêter, ramasser quelque chose par terre, le regarder puis le mettre dans sa poche.
Son ami dit au diable : " Qu'est-ce que cet homme a ramassé ?
– Il a trouvé un morceau de Vérité, lui répondit le diable.
– Alors ce n'est pas bon pour tes affaires.
– Mais si, je vais le laisser l'organiser. "
La Vérité est un pays sans chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu'elle soit : aucune religion, aucune secte. Tel est mon point de vue : et je le maintiens d'une façon absolue et inconditionnelle. La Vérité, étant illimitée, inconditionnée, inapprochable par quelque sentier que ce soit, ne peut pas être organisée. On ne devrait donc pas créer d'organisations qui incitent les hommes à suivre un chemin particulier. Si vous comprenez bien cela dès le début, vous verrez à quel point il est impossible d'organiser une croyance. Une croyance est une question purement individuelle, et vous ne pouvez ni ne devez l'organiser. Si on l'organise, elle devient une religion, une secte, une chose cristallisée, morte, que l'on impose à d'autres. C'est ce que tout le monde essaie de faire. La Vérité est ainsi rétrécie et transformée en un jouet pour les faibles, pour ceux dont le mécontentement n'est que momentané. La Vérité ne peut pas être rabaissée au niveau de l'individu, mais c'est bien plutôt l'individu qui doit faire l'effort de s'élever jusqu'à elle. On ne peut pas amener dans la vallée le sommet de la montagne. Si on veut l'atteindre, il faut prendre par la vallée, grimper les pentes raides, sans craindre le danger des précipices. Il faut monter vers la Vérité : elle ne peut pas être abaissée vers vous, organisée pour vous. Si c'est par son organisation qu'une idée vous a intéressé, cela prouve que l'intérêt n'était ici qu'extérieur : l'intérêt qui ne naît pas de l'amour de la Vérité pour elle-même est sans valeur. L'organisation devient un cadre pour la commodité des membres qui s'y insèrent. Ils ne s'efforcent plus vers la Vérité, vers le sommet de la montagne, mais ils se creusent une niche confortable dans laquelle ils se placent, ou se font placer, pensant qu'ainsi l'organisation les conduira à la Vérité.
Voilà la première raison, pour laquelle, à mon point de vue, l'Ordre de l'Étoile doit être dissous. Malgré quoi, vous allez probablement fonder quelque autre ordre, vous continuerez à appartenir à d'autres organisations qui cherchent la Vérité. En ce qui me concerne, je ne veux appartenir à aucune organisation. Il est bien entendu que je ne parle pas ici des organisations matérielles, mécaniques, qui sont utiles, et même indispensables comme par exemple, si je prends un train pour me mener à Londres, ou si j'emploie la poste ou le télégraphe. Toutes ces choses ne sont que des machines, elles n'ont absolument rien à voir avec la spiritualité. Je le répète, aucune organisation ne peut conduire les hommes à la vie spirituelle.
Si l'on crée une organisation dans ce but, elle devient très vite une béquille, une entrave qui mutile l'individu et l'empêche de croître, d'établir sa personnalité unique, laquelle réside dans la découverte, pour lui-même, de cette Vérité absolue, inconditionnée. Telle est la seconde raison pour laquelle j'ai décidé, puisque je me trouve être le chef de l'Ordre, de le dissoudre. Personne n'a pesé sur ma décision. Elle n'a d'ailleurs rien de bien extraordinaire puisque je ne veux pas de disciples. Dès le moment que l'on suit quelqu'un, on cesse de suivre la Vérité.
Je ne me préoccupe pas de savoir le cas que vous faites de ce que je dis. Je veux faire une certaine chose dans le monde, et je la ferai avec une invariable fixité de concentration. Je ne veux m'occuper que d'une seule chose essentielle : libérer l'homme. Le libérer de toutes les cages, de toutes les craintes, et non pas au contraire fonder une religion, une secte, ni proposer de nouvelles théories philosophiques.
Vous allez naturellement me demander pourquoi je parcours le monde en parlant. Je vais vous le dire.
Ce n'est pas pour être suivi, ce n'est point par le désir de me composer un groupe spécial de disciples choisis. Les hommes aiment tellement à se distinguer de leurs semblables, fût-ce par les différences les plus ridicules, les plus mesquines, les plus absurdes ! Cette absurdité, je ne veux pas l'encourager. Je n'ai pas de disciples, je n'ai pas d'apôtres : ni sur terre, ni dans le domaine de la spiritualité. Ce n'est pas non plus le désir de l'argent ni de la vie confortable qui me mène. Si je voulais avoir une vie confortable, je n'irais pas dans des camps, ni dans des pays humides. Je parle en toute franchise, car je désire que ces choses soient établies clairement une fois pour toutes. Je ne veux pas continuer, d'année en année, des discussions enfantines.
Un journaliste qui m'interviewait trouvait extraordinaire de dissoudre une organisation composée de milliers et de milliers de membres. Il disait: " Que ferez-vous ensuite? Comment vivrez-vous? Vous n'aurez plus personne pour vous suivre, on ne vous écoutera plus. " Eh bien ! moi je vous dis : " S'il n'y a que cinq personnes qui veuillent entendre, qui veuillent vivre, dont les visages soient tournés vers l'éternité, ce sera suffisant " À quoi cela sert-il d'avoir des milliers de personnes qui ne comprennent pas, qui, définitivement embaumées dans leurs préjugés, ne veulent pas la chose neuve, originale, mais la veulent traduite, ramenée à la mesure de leur individualité stérile et stagnante ? Je vous parle avec une certaine violence, mais je vous prie de bien comprendre que ce n'est pas par manque de compassion. Si vous allez consulter un chirurgien, n'est-ce pas bon de sa part de vous opérer, même s'il doit vous faire souffrir ? C'est ainsi que, si je vous parle sans détours, ce n'est point par manque d'amour, au contraire.
Comme je vous l'ai déjà dit, je n'ai qu'un but : rendre l'homme libre, l'inciter à la liberté, l'aider à s'affranchir de toutes les limitations, car cela seulement lui donnera le bonheur éternel, la réalisation inconditionnée du soi.
C'est précisément parce que je suis libre, inconditionné, intégral, parce que je suis la Vérité : non point partielle, ni relative, mais entière, la Vérité qui est éternelle, c'est pour cela que je désire que ceux qui cherchent à me comprendre soient libres, et non pas qu'ils me suivent, non pas qu'ils fassent de moi une cage qui deviendrait une religion, une secte. Ils devraient plutôt s'affranchir de toutes les craintes : de la crainte des religions, de la crainte du salut, de la crainte de la spiritualité, de la crainte de l'amour, de la crainte de la mort, de la crainte même de la vie. Comme un artiste qui peint un tableau parce que son art est à la fois sa joie, son expression, sa gloire, son épanouissement, c'est ainsi que j'agis, et non pas pour obtenir quoi que ce soit de qui que ce soit.
Vous êtes habitués à l'autorité, ou à l'atmosphère de l'autorité : vous attendez d'elle qu'elle vous fasse accéder à la vie spirituelle. Vous croyez, vous espérez, qu'un autre, par des pouvoirs extraordinaires – un miracle – vous transportera dans la région de la liberté éternelle, qui est le bonheur. Toute votre conception de la vie est basée sur cette croyance. Voici trois ans que vous m'écoutez sans que, à part quelques exceptions, aucun changement se soit produit en vous. Analysez bien ce que je dis, avec un esprit critique, afin de comprendre pleinement, profondément. Lorsque vous demandez à une autorité de vous mener à la vie spirituelle, vous êtes automatiquement obligés de construire une organisation autour de cette autorité. Et par le fait même de cette organisation, vous voilà prisonniers comme dans une cage.
Si je parle avec cette franchise, pensez bien que je ne le fais point par dureté, ni par un excès d'ardeur dans la poursuite de mon but, mais parce que je veux que vous me compreniez, car enfin c'est pour cela que vous êtes ici, et nous perdrions notre temps si je n'expliquais pas clairement, d'une façon décisive, mon point de vue.
Pendant dix-huit ans, vous avez tout préparé pour cet événement: la venue de l'Instructeur du Monde. Pendant dix-huit ans, vous vous êtes organisés, vous avez attendu quelqu'un qui vienne apporter une nouvelle joie à votre esprit et à votre cœur, encourager et transformer votre existence, vous donner un autre entendement, vous élever à un plan supérieur de la vie, vous rendre libres enfin – et maintenant, voyez ce qui se passe! Considérez, raisonnez en vous-mêmes, cherchez si cette croyance vous a rendus différents – et je ne vous parle pas de cette différence, toute superficielle, qui consiste à porter des insignes : détail tout à fait mesquin et absurde.
Cette croyance a-t-elle balayé en vous toutes les choses non essentielles de la vie? Il n'y a ici qu'un critérium : de quelle façon êtes-vous plus libres, plus grands, plus dangereux à l'égard de toutes les sociétés basées sur ce qui est faux et non essentiel ? En quoi les membres de cette organisation de l'Étoile se sont-ils transformés?
Comme je l'ai dit, vous avez tout préparé pour moi pendant dix-huit ans. Il m'est égal que vous croyiez que je sois ou non l'Instructeur du Monde. Cela est sans aucune importance. Comme membres de l'Ordre de l'Étoile, vous avez donné votre sympathie et votre énergie parce que vous admettiez que Krishnamurti était l'Instructeur du Monde – partiellement ou totalement : totalement pour ceux qui cherchent en toute bonne foi, et partiellement pour ceux que satisfont leurs propres demi-vérités.
Donc, vous avez tout préparé pendant dix-huit ans : voyez cependant combien de difficultés se trouvent encore sur la voie de votre compréhension, combien de complications, combien de choses mesquines. Vos préjuges, vos craintes, vos autorités, vos églises, anciennes et nouvelles, toutes ces choses, je le maintiens, sont des obstacles à la compréhension. Je ne peux pas vous parler plus clairement. Je ne veux pas que vous acceptiez mon opinion, mais que vous me compreniez.
Cette compréhension est nécessaire parce que votre croyance, au lieu de vous transformer, vous a compliqués, et que vous n'êtes pas désireux d'envisager les choses telles qu'elles sont. Vous voulez avoir des dieux à vous: de nouveaux dieux au lieu des anciens, de nouvelles religions au lieu des anciennes, de nouvelles formes au lieu des anciennes – tous également sans valeur, tous des barrières, des limitations, des béquilles. Vous en êtes là. Au lieu des anciennes différences spirituelles, vous en avez de nouvelles, de nouvelles formes d'adoration, au lieu des anciennes. Vous dépendez tous de quelqu'un pour votre vie spirituelle, de quelqu'un d'autre pour votre bonheur, et bien que vous ayez tout préparé pour moi pendant dix-huit ans, lorsque je viens vous dire qu'il faut rejeter tout cela et chercher en vous-mêmes l'illumination, la gloire, la purification, l'incorruptibilité du soi, pas un de vous n'accepte de le faire. Ou du moins très peu, très peu d'entre vous.
Dans ces conditions, quel besoin d'organisation?
Que ferais-je d'une suite de gens insincères, hypocrites, moi l'incorporation de la Vérité ? Encore une fois, je ne veux rien dire de dur ou de peu charitable, mais nous en sommes à un point où il faut regarder les choses en face. J'ai dit, l'année dernière, que je n'acceptais aucun compromis. Bien peu alors m'ont compris. Cette année, je ne laisse subsister aucun doute. Je ne sais pas combien de milliers de personnes à travers le monde – des membres de l'Ordre – ont tout préparé pour moi pendant dix huit ans, et maintenant ils ne veulent pas écouter sans réserves ce que je dis.
Alors, à quoi bon une organisation?
Je le répète, mon dessein est de faire des hommes inconditionnellement libres, car je maintiens que la vie spirituelle consiste uniquement dans l'incorruptibilité du soi, qui est éternel; qu'elle est l'harmonie entre la raison et l'amour. Cela, c'est la vérité absolue, inconditionnée, la Vérité qui est la vie elle-même. Je veux donc délivrer l'homme, et qu'il se réjouisse comme un oiseau dans le ciel clair, sans fardeau, indépendant, extatique au milieu de cette liberté. Et moi, pour qui vous avez tout préparé pendant ces dix-huit ans, je vous dis qu'il faut vous affranchir de toutes ces choses, de vos complications, de vos empêtrements.
Et pour cela, vous n'avez nul besoin d'une organisation basée sur une croyance d'ordre spirituel. À quoi bon une organisation pour cinq ou dix personnes dans le monde, pour cinq ou dix personnes qui comprennent, qui luttent, qui ont rejeté toutes les mesquineries ? Et quant aux faibles, aucune organisation ne peut les aider à trouver la Vérité, il faut qu'ils la trouvent en eux : elle n'est ni loin ni près, elle est éternellement là.
Encore une fois, aucune organisation ne peut nous rendre libres. Rien, ni personne, du dehors, n'en est capable : vous n'y parviendrez ni par un culte officiel, ni par l'immolation de vous-mêmes pour une cause quelconque, ni par l'accomplissement d'aucune œuvre. Vous employez une machine à écrire pour votre correspondance, mais il ne vous vient pas à l'esprit de la mettre sur un autel pour l'adorer. Eh bien, c'est cela que vous faites lorsqu'une organisation devient votre principal intérêt. Combien de membres contient votre ordre?" Voilà la première question que me posent les reporters.
Combien de personnes vous suivent ? Par leur nombre, nous jugerons si ce que vous dites est vrai ou faux. " Je ne sais pas combien ils sont Je ne m'occupe pas de cela. Comme je l'ai dit, s'il y avait un seul homme délivré, ce serait assez.
Vous gardez l'idée que seules certaines personnes détiennent la clef du royaume du bonheur. Mais personne ne la détient. Personne n'en a l'autorité. Cette clef se trouve dans votre propre moi, et c'est seulement dans le développement, dans la purification et dans l'incorruptibilité de ce moi, que réside le royaume de l'éternité. Ainsi vous verrez combien est absurde tout cet édifice que vous avez construit en cherchant une aide extérieure, faisant ainsi dépendre des autres ce réconfort, ce bonheur, et cette force que vous ne pouvez trouver qu'en vous-mêmes.
Donc à quoi bon une organisation ?
Vous êtes habitués à ce que l'on vous dise combien vous êtes avancés, quel est votre degré spirituel. Que c'est puéril ! Sinon vous, qui donc peut vous dire si vous êtes beau ou laid intérieurement ? Si vous êtes incorruptible? Allons ! Cela n'est pas sérieux.
À quoi bon une organisation?
Mais ceux qui vraiment désirent comprendre, qui s'efforcent de trouver ce qui est éternel, sans commencement ni fin, ceux-là marcheront ensemble avec une plus grande ardeur, une plus grande intensité, et seront un danger pour tout ce qui n'est pas essentiel, pour les irréalités, pour les ombres. Et ils se concentreront Ils deviendront la flamme, parce qu'ils auront compris.
C'est ce corps qu'il nous faut créer, et tel est mon dessein. À cause de cette vraie compréhension, il y aura une vraie amitié. À cause de cette amitié – que vous ne semblez pas connaître – il y aura une vraie coopération de la part de chacun. Et cela, non pas à cause d'une autorité, ni à cause d'un salut, ni à cause d'une immolation pour un idéal, mais parce que vous aurez vraiment compris, et que, par conséquent, vous serez capables de vivre dans l'éternel. C'est là une plus grande chose que tous les plaisirs, que tous les sacrifices.
Voilà donc quelques-unes des raisons qui m'ont fait prendre cette décision, après deux années d'un examen attentif Ce n'est pas à la suite d'une impulsion momentanée. Je n'ai été persuadé par personne – je ne me laisse pas persuader en de telles circonstances. Pendant deux ans, je n'ai pensé qu'à cela, avec soin, avec patience, et j'ai décidé de dissoudre l'Ordre, puisque je me trouve en être le chef. Vous pouvez former de nouvelles organisations et attendre quelqu'un d'autre. Je ne m'en occuperai pas, je ne veux pas créer de nouvelles cages, ni de nouvelles décorations pour ces cages. Mon seul souci est de délivrer les hommes, de les rendre libres, libres d'une façon inconditionnelle, absolue.